Jésus poussa un grand cri : « Père, entre tes mains je remets mon esprit. » Et sur ces mots, il mourut.*

« J’ai soif » ; « Donne-moi à boire » : qu’il s’agisse d’un bourreau ou de la Samaritaine au puits, Jésus a en lui cette soif qui dit le besoin de l’autre, cette soif d’humanité, de partage, d’amitié, en un mot le besoin du prochain, de tout ce qui le relie à la vie. La pauvreté du pauvre qui invoque Dieu, c’est en ce moment celle du Messie cloué en croix, condamné au supplice réservé aux esclaves. Comment Dieu ne l’écouterait-il pas, comment ne ferait-il pas justice à l’innocente victime, à l’Agneau de Dieu livré sur la croix ?

La croix nous fait peur. Par colère, un jeune de notre communauté l’a un jour arrachée de la chapelle. Avec lui nous avons médité sur le scandale de la croix. Il a pris conscience que la croix, comme l’explique Xavier Grall, « c’était notre matière, notre signe, l’atroce menuiserie de notre cruauté mais c’était aussi notre salut, notre communion avec la chair pantelante de sang et de douleur, notre alliance avec le bon Dieu »**. Ce jeune homme a voulu réparer son geste et recoller la croix de notre chapelle.

« Tout est achevé », Jésus a accompli sa vie, vécu jusqu’au bout cette communauté de destin avec l’humanité, il se remet entre les mains du Père dans un grand cri d’abandon confiant : « Père, entre tes mains je remets mon esprit. » Son dernier souffle est entre les mains de celui qui est la source de la vie. Il rejaillira en fontaine de résurrection au matin de Pâques.

* Lc 23, 46.
** Xavier Grall : L’inconnu me dévore, p. 33. Calligrammes 1984.
Illustration : Agnus Dei - Zurbarán