Jésus crie « à voix forte » en araméen, citant le psaume 21 : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »*

C’est la prière apprise en famille qui revient à sa mémoire. Il la récite dans sa langue maternelle ; il implore son Dieu, c’est la confiance nue dans le désespoir de l’abandon, dans l’extrême de l’abandon : abandon par un ami du premier cercle, Judas ; abandon d’un Père silencieux, comme absent ; abandon finalement de tous face à l’épreuve du Juste.

Je me souviens, je venais de poser ma valise dans ce quartier de vieille misère de Lille. Une femme arrive, le visage en sang, accompagnée de deux enfants en état de choc. Ils étaient comme isolés dans leur malheur, coupés du monde des vivants. J’ai été saisi par la solitude de ceux qui sont frappés par le malheur. Nous avons pu ouvrir notre porte et les réconforter. Hélas, tous ne trouvent pas un refuge.

C’est ce qui se passe aujourd’hui à Gaza, en Ukraine… partout où la violence l’emporte, où le Dieu de la paix est bafoué impunément. Tant et tant de victimes sans réponse, sans l’ombre d’une explication à ce qui leur arrive.

Jésus a vécu cet abandon, un parmi tant d’anonymes. Le récit qui nous est proposé n’aurait jamais dû être écrit, jamais même imaginé dans une tête et un cœur humains. Aujourd’hui, Dieu souffre, le Père souffre avec son Fils, l’Esprit gémit de vivre un drame pareil.

Il est présent au pire, mais nous invite à prier la suite du psaume 21, dans le désespoir surmonté, dans la confiance totale : « À Toi je fus confié dès ma naissance ; dès le ventre de ma mère, tu es mon Dieu ».**

* Mc 15,34 et Mt 27,46
** Ps 21, 11
llustration : Delacroix - L'agonie dans le jardin