Nous en avons tous fait l’expérience : les mots ne suffisent pas à dire ce que nous voudrions tant proclamer. Nos manières de dire ne sont pas à la hauteur pour partager une rencontre forte, une naissance, un émerveillement… Comment une réalité immense, intense, pourrait-elle entrer dans des mots, dans notre pauvre langage ? Aujourd’hui, en ce temps de carême, notre mémoire fait le point : entre émerveillement et petitesse… Serions-nous d’indécrottables médiocres, incapables de nous élever au souffle de l’Esprit ? Trop appesantis, réduits plus ou moins à la fadeur des résignés ?

Alors que nous sommes conviés à rejoindre le Seigneur, il nous paraît trop grand, trop loin — tout simplement… trop ! Peut-être même, si l’on osait se l’avouer : décourageant parfois… Trop haut : Dieu, l’inatteignable ? Mais le carême est là pour nous rendre Dieu proche ; pour nous le faire contempler malgré nos limites, au cœur de nos épreuves. « Serviteur souffrant », Jésus nous insuffle son souffle de vie. Il nous confie : « Comme le Père relève les morts et les fait vivre, ainsi le Fils fait vivre qui il veut ».* Lui, si proche ! 

Shūsaku Endō est l’auteur du roman Silence. Il raconte le martyre des premiers chrétiens japonais. Il écrit : « En ce monde, il y a les forts et les faibles. Les forts ne plient jamais sous la torture et vont en Paradis, mais qu’advient-il de ceux qui… sont nés faibles […] Qui oserait affirmer que les faibles ne souffrent pas plus que les forts ? »  Si Dieu seul connaît notre faiblesse, il veille toujours. Il nous console et de cette consolation naît l’espérance !

*  Jean 5, 21
** Illustration : Jésus ouvre les yeux d'un homme né aveugle - Duccio di Buoninsegna