« Ah là là… » C’est étrange que le chant de l’Office divin commence souvent par un soupir ! Soupir sincère peut-être, exhalaison d’un cœur qui à regret s’éprouve désenchanté ? Je ne parle pas pour ceux qui, consolés, peuvent spontanément chanter : « Comment ne pas te louer ? » Béni soit Dieu pour la grâce qu’il vous fait ! Je parle pour ceux qui ont dit : « Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse à mes lèvres »*, mais dont le souffle est usé par la durée, épuisé par la banalité. 

C’est de cette lassitude que je voudrais partir, cette semaine, à la recherche du souffle capable de changer les soupirs : les « Ah… », les « Ah là là », transfigurés en « Allelu… » !

« Allelu… » Ce n’est pas si loin de « Ah là là » ! Les syllabes se ressemblent. Ce souffle se cache-t-il donc dans les voyelles ? Essayons. Changeons-les « a » en « e », ou en « u ». Prenons notre soupir et rusons avec lui. Un jeu de modification vocalique, enfantin, et voici à nouveau la louange sur nos lèvres ! Serait-il donc si simple de faire germer la louange ? 

Vous vous dites peut-être que mon entrée en matière est un peu légère. Mais ce serait ignorer le poids des mots ! Saint Augustin commande dans sa Règle : « Quand vous priez Dieu avec des psaumes et des hymnes, portez dans votre cœur ce que profèrent vos lèvres »**. Ainsi, ce qu’articulent nos lèvres serait capable de changer notre cœur ? Voici que notre bouche dépose dans notre cœur un contrepoids à sa pesanteur. 

Deux voyelles à semer dans nos soupirs… pour commencer.

* Psaume 33,1
** Règle de saint Augustin 2